DEBAT : Faut-il développer des offres destinées spécifiquement aux personnes en situation de handicap?
DEBAT : Faut-il développer des offres destinées spécifiquement aux personnes en situation de handicap?
De quoi parle-t-on ?
On estime généralement qu’environ 10% d’une population est concernée par une situation de handicap. Il s’agit donc d’un segment de marché non négligeable même si celui-ci demeure très hétérogène, ce qui conduit d’ailleurs Gardou (2012) à parler de « minorité universelle ».
En France, la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées définit le handicap comme “toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant”. La loi prévoit notamment des aides et dispositifs permettant aux personnes en situation de handicap de faire face aux conséquences de leur déficience dans la vie quotidienne (aides financières, services à la personne). Au niveau européen, une directive sur l’accessibilité prévoit des exigences en matière d'accessibilité pour des produits et services clés comme les téléphones, les ordinateurs, ou encore les services bancaires.
Face à ces besoins, une première réponse est de proposer une offre spécifiquement adaptée aux personnes en situation de handicap visant à mieux répondre à leurs besoins. Cette stratégie est-elle satisfaisante pour les consommateurs et les offreurs ?
Pour ou contre ?
Le point de vue des personnes en situation de handicap | |
Pour | Contre |
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Le point de vue des offreurs | |
Pour | Contre |
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Des pistes pour poursuivre la réflexion
Proposer des offres destinées spécifiquement aux personnes en situation de handicap ne va donc pas nécessairement de soi, le risque d'alimenter la stigmatisation ‒ voire l'exclusion ‒des individus concernés n'étant pas négligeable. Ainsi convient-il de réfléchir plus précisément à la manière de s'adresser aux populations concernées. À ce titre, il semble fondamental de tenir compte de la diversité des publics ciblés dès la conception de l'offre. Privilégier une stratégie de « conception universelle » visant à proposer des offres "qui puissent être utilisé[e]s par tous, dans toute la mesure du possible, sans nécessiter ni adaptation, ni conception spéciale" nous semble constituer un levier d'action indéniable. Cette réflexion peut aider les praticiens à étendre le ciblage par-delà le seul champ du handicap. Dans ce contexte, l’exemple de “la Flâneuse” est inspirant, ce produit pouvant servir de déambulateur, de fauteuil roulant, mais également de poussette ou encore de repose-sac. Dans ce contexte, le recours à des approches participatives semble tout à fait opportun pour espérer aboutir à une conception de l'offre avec ‒ et non plus simplement pour ‒ les populations concernées.
Par ailleurs, si des coopérations semblent nécessaires, celles-ci soulèvent également des questions de légitimité. Le collectif “Bien à Porter”, par exemple, sert d’intermédiaire entre les personnes en situation de handicap et les industriels. Des produits déjà existants dans le secteur du prêt-à-porter peuvent ainsi être identifiés comme étant accessibles aux personnes en situation de handicap. “Bien à Porter” recueille des avis afin de mettre en avant certains produits et apporte un éclairage constructif aux industriels. Néanmoins, quels partenariats convient-il d’encourager ? Comment prévenir d’éventuelles démarches opportunistes et superficielles qui relèveraient avant tout d’opérations de “social washing” ? Ces éléments de réflexion encouragent les praticiens à s’interroger sur leur capacité à concevoir des offres à destination des personnes en situation du handicap et sur le bien-fondé d’une telle démarche au regard du secteur d’activité dans lequel ils s’inscrivent.