Une politique de produit éthique et responsable

From MARKETING POUR UNE SOCIETE RESPONSABLE
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Par Elisa MONNOT et Béatrice PARGUEL

La partie vise à expliquer à l’apprenant comment concevoir une offre de biens et de services de manière éthique et responsable, en envisageant leurs impacts environnementaux et sociétaux à chaque étape de leur cycle de vie, c’est-à-dire de l’extraction des matières premières qu’ils impliquent jusqu’à leur fin de vie. La partie aborde plus particulièrement l’importance du choix des attributs du produit, de son design, et de son conditionnement dans la proposition d’une offre durable. Elle précise un certain nombre d’enjeux éthiques que soulève la prise de décisions responsables en matière de politique de produit, tant du point de vue du respect des parties prenantes que de l’environnement.

Figure. Les étapes de l’ACV

Le marketing fait partie des pratiques qui sont perçues comme peu éthiques par les consommateurs. Mais que désigne exactement l’éthique dans ce cadre ? L’éthique fait ici référence à une réflexion argumentée interrogeant les valeurs et principes moraux qui orientent une prise de décisions qui y soit conforme (i.e., ne pas tromper les parties prenantes, respecter leurs droits élémentaires, comme la sécurité). Ainsi, le marketing éthique renvoie à des pratiques et actions marketing personnelles et/ou organisationnelles transparentes, fiables et responsables, et qui témoignent d’intégrité et d’équité envers les consommateurs et les autres parties prenantes (Murphy, 2017) .

Le produit représentant l’aspect le plus visible des pratiques de marketing, il est essentiel de réfléchir aux questions éthiques que soulèvent sa conception et sa gestion, ce qui relève justement de la « politique de produit », et ce aux différentes étapes de l’Analyse de son Cycle de Vie (ACV). L’ACV est une méthode normalisée, régie par les normes ISO 14040 et ISO 14044 , qui ont été développées pour permettre aux industriels d’évaluer les impacts environnementaux de leurs produits (de grande consommation, ou non), services ou bâtiments (ADEME ). L’analyse de ces impacts couvre les étapes suivantes : l’extraction, la fabrication, le transport et la distribution, l’utilisation et la fin de vie. Une politique de produit durable et responsable doit donc prendre en considération l’ensemble de ces étapes (cf. figure).

Concevoir des produits consiste, pour les managers, à définir leurs caractéristiques ce qui doit permettre, ensuite, de les différencier des produits concurrents. Une fois le concept marketing du produit défini (c’est-à-dire l’idée qui le caractérise, exprimée en termes de bénéfices pour les clients), il s’agit de travailler sur ses attributs, son design, ainsi que son conditionnement. Sont exposées ci-après les questions éthiques soulevées par ces différents aspects, tant du point de vue du respect des parties prenantes (et principalement des consommateurs) que de l’environnement, afin de construire une politique de produit durable et responsable.


Questions

  • Comment concevoir une offre de produits durable ?
  • Comment développer un processus de fabrication responsable ?
  • Pourquoi envisager un design qui favorise un usage durable des produits et qui intègre leur fin de vie ?
  • Comment repenser le conditionnement des produits ?

Les attributs du produit

La politique de produit implique, dans un premier temps, de déterminer les attributs du produit.

Définir les attributs du produit

Les attributs du produit regroupent à la fois les caractéristiques et les performances du produit qui y sont associées, mais aussi son identité sensorielle.

• Choisir les caractéristiques et les performances du produit

La conception d’un produit passe, tout d’abord, par la définition de ses caractéristiques techniques, c’est-à-dire la liste des ingrédients qui le composent, par exemple, ou la présentation des composants et des éléments qui permettent de le décrire (e.g., taille, forme, composition chimique). Ces caractéristiques permettent, ensuite, de définir les performances du produit, qui correspondent aux résultats de sa consommation et qui servent de promesses marketing (e.g., efficacité, goût). Le choix des performances du produit est d’autant plus important que les consommateurs ont souvent tendance à percevoir un produit responsable comme étant moins performant. Définir les caractéristiques d’un produit responsable implique également de s’interroger sur leur utilité afin d’éviter de proposer des fonctionnalités qui ne seraient finalement pas indispensables et que les individus n’utiliseraient pas. Il s’agit ainsi d’éviter le développement de produits « feu de paille », c’est-à-dire dont le cycle de vie est très court et qui s’apparentent davantage à des gadgets.

• Construire l’identité sensorielle du produit

La conception d’un produit implique, ensuite, le choix d’une identité sensorielle spécifique, tant au niveau du goût, du toucher, du son, de l’odeur, que de l’apparence visuelle de celui-ci. Cette identité s’appuie sur les caractéristiques du produit précédemment évoquées, mais aussi sur son design (qui fera l’objet de la partie suivante). Certaines marques font d’ailleurs de l’identité sensorielle de leur produit le cœur de leur stratégie de différenciation.

Privilégier une conception responsable

Pour concevoir les produits de grande consommation, qui correspondent aux biens et services acquis par les clients finaux pour leur consommation personnelle, les entreprises s’appuient sur des produits industriels, c’est-à-dire des biens et services achetés pour être ensuite transformés et pour alimenter leur activité, comme les matières premières par exemple. Pour concevoir une politique de produit durable et responsable, il est important de privilégier des produits industriels et des fournisseurs responsables, comme détaillé ci-après.

• Privilégier des matériaux durables

La conception de produits durables et responsables implique, tout d’abord, de privilégier certains types de matériaux, plutôt que d’autres, qui auraient un impact moins néfaste sur l’environnement, comme les matériaux recyclés, les matériaux recyclables ou les matériaux bio-sourcés, à condition qu’ils soient eux-mêmes durables. Ainsi, dans le secteur de l’ultrafrais, par exemple, Danone a lancé en janvier 2020, dans sa gamme « Danone aux fruits d’ici », des emballages comprenant 30% de matière recyclée et travaille également à la transformation de son outil de production afin d’accompagner cette transition vers davantage de plastique recyclé pour ses produits . Ceci s’inscrit dans la volonté du groupe de n’utiliser, à l’horizon 2025, que des emballages 100% recyclables, réutilisables ou compostables. C’est d’ailleurs dans ce cadre que Danone s’était associé, dès 2017, à Nestlé Waters et Origin Materials pour fonder un consortium de R&D, NaturAll Bottle Alliance, rejoint ensuite par PepsicO, en vue de commercialiser des bouteilles PET à 75% bio-sourcées d’ici 2020 et à 95% bio-sourcées à l’horizon 2022. Autre exemple, celui de Pressade, leader sur le marché du jus de fruits biologique ambiant qui a décidé de remplacer ses bouteilles en plastique par des bouteilles en verre ou des briques bio-sourcées de Tetra Pak, qui émettent 24% de CO2 en moins que leur équivalent en PET .

• Choisir des fournisseurs responsables

Les industriels doivent aussi veiller à opter pour des fournisseurs qui s’engagent en faveur du respect des ressources naturelles et de l’environnement afin d’éviter d’entacher leur réputation. Les fabricants ont ainsi intérêt à évaluer leurs fournisseurs sur un certain nombre de critères comme, par exemple, ceux fournis dans le cadre de la norme ISO 14001 qui définit les critères d’un système de management environnemental et peut, ainsi, les aider à s’orienter vers des sous-traitants écoresponsables. Walmart utilise son propre indice de durabilité des fournisseurs pour auditer leurs performances tant en matière d'énergie et de climat, que d'efficacité des matériaux, de ressources naturelles et de respect des personnes. Ce choix des fournisseurs doit en effet également prendre en considération la dimension sociale, c’est-à-dire le respect de la santé et de la sécurité des travailleurs. Dans le secteur textile, par exemple, nombreuses sont les marques qui ont été accusées de fermer les yeux sur les conditions de travail de certains de leurs fournisseurs. Une partie importante du coton utilisé par cette filière est en effet par exemple cultivée en Chine, dans une province peuplée d’Ouïghours, une minorité musulmane exploitée, selon les défenseurs des droits humains. Même si la chaîne de sous-traitants peut parfois être longue, il est nécessaire de surveiller ces filières d’approvisionnement afin d’éviter ces fournisseurs peu responsables tant vis-à-vis de l’environnement que des conditions de travail et sécurité des travailleurs.

Opter pour un processus de fabrication responsable

Il est également essentiel d’adopter un processus de fabrication responsable. Ceci implique à la fois de veiller à la limiter la consommation de matières premières et ressources, à respecter le droit à la sécurité des consommateurs et à faire preuve de transparence à leur égard.

• Minimiser la consommation de matières premières et de ressources

Proposer une offre de produits durables et responsables pose aussi la question de la consommation de matières premières et de ressources, associée à leur fabrication. Il s’agit, pour les managers, de minimiser, autant que possible, les quantités utilisées de ces matières premières et ressources, tant celles entrant dans la fabrication proprement dite des produits que celles nécessaires au processus de production ou à leur utilisation. Les fabricants doivent ainsi veiller, en particulier, à la consommation d’eau et d’électricité tout au long du processus de fabrication des produits. Un exemple emblématique à cet égard est celui du blue-jeans : en effet, la quantité d’eau nécessaire pour cultiver, teindre et transformer suffisamment de coton pour en produire ne serait-ce qu’un seul est en effet estimée, par l’ADEME, entre 7 000 et 10 000 litres. La consommation de ressources pendant l’utilisation du produit doit également être prise en compte lors de la conception. A ce titre, les imprimantes offrent un exemple intéressant, car elles peuvent être préprogrammées pour imprimer des deux côtés, économisant ainsi du papier. La mise en veille ou l’arrêt automatique de certains nouveaux produits électroniques peut également limiter la consommation d’énergie. Si les réglementations restent encore limitées en matière de consommation de ressources par les fabricants, elles tendent quand même à se développer, comme en témoigne par exemple la fixation de normes en matière d’émissions polluantes pour certaines industries. Néanmoins, il convient de noter que cette évaluation peut s’avérer compliquée dans la mesure où la consommation d’énergie dépend du mix énergétique du pays de fabrication ou d’utilisation. Les marketers doivent donc être vigilants dans la définition du cahier des charges de leurs produits et dans la sélection des fournisseurs étrangers. Cette question de la consommation de ressources se pose évidemment également dans le domaine des services, a fortiori dans un contexte de prise en compte croissante des impacts environnementaux de la digitalisation et de la volonté de favoriser la sobriété numérique.

• Concevoir des produits sûrs pour les consommateurs

Il est également essentiel de concevoir des produits sûrs pour les individus, la sécurité constituant un des droits fondamentaux des consommateurs. Ceci est évidemment d’autant plus le cas pour certaines catégories de produit, comme les produits de santé. Se pose ici la question des tests que certaines entreprises peuvent parfois, par négligence intentionnelle ou non, être tentées de limiter, voire de falsifier. C’est par exemple le cas de la fraude aux émissions de Volkswagen, aussi appelée « dieselgate » : en effet entre 2009 et 2015, le groupe a utilisé, en toute connaissance de cause, des logiciels afin de réduire, au moment des tests, les émissions de particules polluantes de certains de ses véhicules qui sont évidemment néfastes pour la santé des individus. Il convient cependant de noter que les concepteurs des produits ne peuvent être considérés comme non éthiques que s’ils ignorent délibérément des menaces connues pour la sécurité des consommateurs. Ainsi, les fabricants ont pendant longtemps intégré certains composants dangereux dans la composition de leurs produits car les risques associés à leur utilisation n’étaient alors pas connus (e.g., fréon pour les réfrigérateurs, bisphénol A pour les biberons). En revanche, dès lors que leurs méfaits sont reconnus, il convient évidemment de les supprimer.

• Informer les consommateurs sur le processus de fabrication

Ceci pose évidemment également la question de la transparence, vis-à-vis des consommateurs, sur le processus de fabrication des produits car ceci constitue désormais une attente forte de leur part. Pour reprendre l’exemple de Volkswagen, il est aussi emblématique d’une démarche de tromperie non éthique vis-à-vis des consommateurs. Dans un autre secteur, celui des cosmétiques, certaines entreprises déclarent ne pas tester les produits sur les animaux, mais ne mentionnent pas que leurs produits comportent des matières premières testées sur les animaux. Certains fabricants de produits électroniques s’affichent, eux, responsables alors que le coût environnemental et social de certains de leurs composants est parfois élevé, comme c’est le cas du cobalt pour les batteries lithium-ion. Tous ces exemples illustrent la nécessité d’opter pour une communication éthique et transparente vis-à-vis des consommateurs. Dans ce cadre, le succès d’applications mobiles comme Yuka, BuyOrNot ou Clear Fashion s’explique par leur capacité à apporter aux consommateurs une évaluation rapide et transparente des produits. Ces applications n’ayant ni lien avec les marques notées ni visée commerciale directe sont jugées crédibles et dignes de confiance par les consommateurs. Elles leur permettent de disposer de certaines informations sur le processus de fabrication des produits sur lequel les entreprises ne communiquent pas toujours d’elles-mêmes, même si ces dernières peuvent parfois souhaiter garder secrètes leurs recettes.

Le design du produit

La politique de produit implique, dans un deuxième temps, de concevoir le design du produit.

Créer le design du produit

Créer le design du produit consiste à concevoir une offre en vue d’en optimiser l’utilisation et la production, de la rendre à la fois plus agréable, plus ergonomique et plus esthétique, et ce afin de créer une expérience plus satisfaisante pour les consommateurs. Il ne s’agit donc pas de se limiter à l’apparence extérieure des produits. Le design du produit doit être pensé de manière à être fonctionnel, attractif, facile à produire et à utiliser, mais aussi adapté à la marque et ses valeurs.

Construire une politique de design durable

• Privilégier un design intemporel

Concevoir des produits éthiques et responsables implique de penser leur design afin qu’il soit durable. Ceci peut soit consister à rendre possible une évolution des produits au fil du temps, soit à les rendre relativement intemporels en adoptant un look classique indémodable. L’exemple du lit Ewen, développé par les équipes de Cdiscount Maison, est intéressant à ce titre. Son design, ses fonctionnalités (e.g., rangements, bureau ajustable, matelas évolutif) et son esthétique intemporelle ont en effet été choisis pour s’accorder avec différents styles de décoration mais aussi pour s’adapter aux enfants, de 3 ans à l’adolescence, pour favoriser, ainsi, un usage durable du produit . La marque d’automobiles Volvo Cars est également connue pour privilégier un design de voitures qui transcende les modes et les années.

• Envisager l’innovation ouverte

Cette tendance à opter pour un design des produits plus responsable soulève aussi la question de la protection des innovations qui est associée. En effet, si une solution technique plus favorable, en matière environnementale par exemple, est trouvée, les marques devraient privilégier l’innovation ouverte afin que l’innovation se diffuse plus rapidement au bénéfice du plus grand nombre. L’innovation ouverte pouvant en effet impliquer la collaboration de plusieurs parties prenantes a des répercussions sur la propriété intellectuelle. C’est justement le choix qu’ont fait Danone Waters et ses partenaires en partageant la technologie et les processus de la première bouteille PET à 75% bio avec l’ensemble de l’industrie, accélérant ainsi le changement à l’échelle mondiale. Corona propose un autre exemple d’innovation open source avec ses Fit Packs, innovation qui permet de visser les canettes ensemble via un filetage en aluminium à leur sommet et leur base, sans nécessiter le moindre suremballage plastique.

• Proscrire l’obsolescence programmée et encourager un usage durable du produit

En France, le Code de la consommation intègre également, depuis 2015, l’article L441-2 pour définir « l’obsolescence programmée », qui constitue désormais un délit. L’obsolescence programmée désigne la conception d’un produit présentant une durée de vie délibérément limitée, de sorte que son utilisation n’est plus possible ou souhaitable après une certaine période. L’objectif pour les fabricants est d’accélérer le remplacement du produit par de nouvelles versions et d’augmenter ainsi artificiellement les ventes. Il existe différents types d’obsolescence programmée : - l’obsolescence technologique ou fonctionnelle, selon laquelle les produits deviennent obsolètes lorsque des versions plus performantes arrivent sur le marché (pour certains produits électroniques, par exemple) ; - l’obsolescence psychologique, qui correspond à une perte de désirabilité chez les consommateurs, influencés par les tendances du marché et la volonté d’acheter des versions de produit plus récentes (comme c’est le cas dans l’industrie de la mode) ; - l’obsolescence systémique, qui désigne les situations dans lesquelles l’entretien ou la réparation n’est pas possible (comme pour certains produits pour lesquels les piles ne peuvent pas être remplacées) ; - l'obsolescence des produits délibérément conçus pour tomber en panne après un certain temps, même dans des conditions d’usage normales (certains jouets en plastique, par exemple).

La tendance à remplacer les produits rapidement, qui a prévalu pendant de nombreuses années, a un impact environnemental non négligeable puisqu’un raccourcissement de la durée de vie des produits implique une plus grande consommation de ressources et une génération de déchets plus importantes. Il est donc de la responsabilité tant des ingénieurs, des concepteurs, des gestionnaires, que des consommateurs, de ne pas cautionner le renouvellement rapide des produits, s’il n’est objectivement pas nécessaire.

Une marque comme Patagonia veille ainsi depuis son origine à proposer des produits de qualité, réparables et durables. La réglementation évolue aussi pour accompagner ces changements, comme en témoigne l’adoption en 2019 en France d’une loi sur la réparabilité obligatoire des appareils et la volonté d’introduire un indice de réparabilité pour inciter les consommateurs à choisir des produits à durée de vie plus longue. L’exemple de Decathlon, qui prolonge la durée de vie de ses produits grâce à l’impression 3D de pièces de SAV qui n’existent plus est intéressant. Il s’agit en effet pour l’entreprise de permettre aux clients de réparer leurs produits et de rallonger ainsi leur durée d’utilisation.

Encourager un usage durable des produits par les consommateurs est ainsi de la responsabilité des fabricants. Ceci doit évidemment passer par une éducation au « bon » usage des produits, en matière de sécurité, mais aussi par un accompagnement pour réduire l’impact environnemental de cet usage. Là où certaines marques développaient précédemment des indicateurs d’usure des produits pour indiquer aux consommateurs la nécessité de les remplacer (e.g., brosses à dents, rasoirs), elles ont à présent tout intérêt à les informer de l’importance d’éviter le gaspillage (e.g., remplacement sur les yaourts de la marque Les2Vaches de la Date Limite de Consommation par la Date de Durabilité Minimale, application anti-gaspillage Too Good To Go).

• Envisager la fin de vie du produit dès sa conception

Les réflexions autour du design du produit doivent prendre en considération le triptyque : réduire (produire moins de déchets en premier lieu), réutiliser (réutiliser le produit, le réparer si nécessaire) mais aussi recycler (transformer les déchets en une ressource précieuse). Ainsi, l’élimination du produit doit être prise en compte dès sa conception et la totalité du coût de cette fin de vie doit être envisagée comme un coût réel en matière de contrôle de gestion. Au-delà de la conception de produits recyclables, il s’agit donc aussi d’envisager leur recyclage ou leur retraitement. Cette question du coût des produits en « fin de vie » fait d’ailleurs l’objet de réglementations, comme en témoignent les initiatives récentes du gouvernement français qui incluent la récupération gratuite des anciens appareils quand les consommateurs en achètent de nouveaux dans la même catégorie de produits. Les fabricants doivent envisager la fin de vie de leurs produits et proposer des solutions aux consommateurs. Les plateformes peer-to-peer d’occasion (e.g., revente, don, troc), qui se sont développées de manière importante ces dernières années et qui redonnent une seconde vie aux produits, permettent de limiter l’accumulation de déchets provoquée par l’accélération de leur cycle de vie. Pour reprendre l’exemple du lit Ewen développé par Cdiscount, sa robustesse et sa qualité ont été conçues pour favoriser un usage dans la durée ou permettre de lui offrir une seconde vie, si les clients n’en font plus usage, justement via ces circuits de remise sur le marché, et le matériau utilisé – 94% de bois – rend possible son recyclage via les filières de recyclage adaptées. Ikea, avec son Circular Hub, propose à ses clients de reprendre leurs meubles ou objets de décoration en échange d’un avoir et développe de plus en plus l’offre de seconde main dans ses points de vente.

Le conditionnement du produit

La politique de produit implique, dans un troisième temps, de réfléchir au conditionnement du produit, c’est-à-dire à son emballage.

Concevoir le conditionnement du produit

D’après le code de l’environnement, un emballage désigne « tout objet, quelle que soit la nature des matériaux dont il est constitué, destiné à contenir et à protéger des marchandises, à permettre leur manutention et leur acheminement du producteur au consommateur, et à assurer leur présentation ». Il existe plusieurs niveaux d’emballage :

  • L’emballage primaire, qui correspond au contenant de chaque unité de consommation du produit (e.g., un tube de dentifrice) ;
  • L’emballage secondaire ou de regroupement, qui regroupe plusieurs unités de consommation du produit pour en faire une unité de vente (e.g., un carton regroupant deux tubes de dentifrice) ;
  • L’emballage tertiaire ou de manutention, qui permet de transporter de l’usine au dépôt et au point de vente un certain nombre d’unités de vente du produit (e.g., une palette). Les emballages assurent des fonctions à la fois techniques et marketing, et ce à chaque étape du processus de consommation.

L’emballage assure ainsi des fonctions techniques de protection et conservation, de transport, stockage et rangement, de commodité d’utilisation et d’impact environnemental réduit. Il sert également des fonctions marketing, en termes d’attractivité pour le consommateur, de reconnaissance de la catégorie de produit et de la marque, d’expression de son positionnement mais aussi d’information.

Repenser le conditionnement du produit

Au moment de l’élimination des emballages les consommateurs peuvent se poser la question du surcoût qu’ils induisent finalement à l’achat. En effet, celui-ci s’élève, en moyenne, à 15% du prix du produit. Se pose aussi la question de leur impact écologique, certains emballages n'étant pas respectueux de l’environnement, du fait des matériaux utilisés ou de leur volume important, par exemple. Dans ce cadre, les fabricants peuvent envisager différents types d’actions afin de repenser le conditionnement des produits et concevoir des emballages plus responsables.

• Réduire les emballages

Les managers peuvent tout d’abord envisager de réduire la taille des emballages en concentrant, par exemple, le produit qu’ils contiennent. Dans ce cadre, l’exemple des déodorants Compressés, lancés en 2014 par Unilever, est intéressant à évoquer : ils offrent en effet la même efficacité et le même nombre d’utilisations qu’un déodorant classique, mais dans un aérosol deux fois plus petit, qui contient 25% d’aluminium en moins ce qui réduit de 25% l’empreinte carbone de chaque aérosol.

La fabrication du gel douche concentré Le Petit Marseillais, lancé en 2019, nécessite, elle, 45% d’eau en moins et l’emballage, plus petit, permet une réduction de 60% de plastique.

Les marques ont longtemps conçu des emballages de taille importante pour donner l’impression aux consommateurs qu’ils achetaient une grande quantité de produit et pour éviter les vols. La perception des individus était donc biaisée et conduisait à générer une préférence pour des emballages surdimensionnés par rapport aux portions qu’ils contenaient en réalité. Cette pratique, connue sous le nom de « slack packaging », est évidemment discutable d’un point de vue éthique. Le poids des emballages était aussi parfois volontairement augmenté afin de véhiculer une image de meilleure qualité du produit (en cosmétiques, par exemple, pour les pots de crème). Aujourd’hui, les fabricants prennent conscience que ce transport de « vide » a un impact négatif sur leur bilan carbone et veillent donc à proposer des emballages de taille adaptée. Mais ceci implique également d’accompagner les individus qui peuvent se sentir lésés après avoir été habitués à acheter de gros emballages.

A titre d’exemple, Beiersdorf a choisi de conditionner les crèmes visage de sa marque de cosmétique naturelle Florena dans des pots de 50ml pesant 7g, soit six fois moins que la moyenne. Ils paraissent donc plus petits que les pots concurrents, conduisant la marque à opter pour un emballage en carton de taille importante, agrémenté de cales pour que le pot de crème soit maintenu à l’intérieur. Cet exemple illustre les arbitrages que les fabricants doivent opérer entre fonction environnementale de l’emballage, afin de réduire son impact, et fonction d’attractivité, afin de ne pas être pénalisé par rapport à la concurrence et maintenir les ventes de leurs produits.

Les managers peuvent aussi choisir d’optimiser les dimensions des emballages ou opter pour des emballages pliables ou empilables afin de réduire à la fois la quantité de déchets d’emballage générée et d’émissions de CO2 associée à leur transport.

L’exemple du Frustration-Free Packaging Program (FFP) d’Amazon est intéressant à citer : dans ce cadre, Amazon collabore avec certains fabricants pour les aider à innover et réduire les déchets et coûts d’emballage. Avec Philips, par exemple, pour son rasoir Norelco One Blade, la coque en plastique, utilisée pour attirer l’attention en magasin et pour empêcher le vol, n'était pas nécessaire pour l’achat en ligne. Philips a donc réduit le nombre de composants d’emballage pour ce produit de 13 à 9 et le volume d’emballage de 80% .

Une autre action possible peut consister à diminuer l’épaisseur des emballages.

Ces dernières années, le groupe Bel a ainsi réduit l’épaisseur de la feuille d’aluminium des portions de ses fromages des marques Kiri et La Vache qui rit de 12 à 10 microns.

Néanmoins, cette réduction de la taille des emballages ne doit pas se faire au détriment des fonctions qu’ils assurent, en particulier la protection des produits et la fourniture d’informations importantes pour les consommateurs. En effet, pour de nombreux achats, les individus ne disposent pas de suffisamment d'informations pour apprécier clairement ce qu’ils achètent. Il est donc de la responsabilité des entreprises d'aider les individus à faire des choix éclairés, en particulier les consommateurs plus vulnérables et à faible niveau de littératie. Ainsi, il convient d’éviter les « petits caractères » ou le vocabulaire technique que seuls des experts pourrait comprendre afin de tenir compte de la diversité des consommateurs et de ne pas mettre de côté les plus vulnérables. L’utilisation de pictogrammes ou couleurs, souvent plus faciles à comprendre que le texte, doit être privilégiée par les fabricants.

Ainsi, le gouvernement français a proposé, en 2017, d’introduire sur une base volontaire le Nutri-score, une étiquette d’information nutritionnelle sur les emballages pour promouvoir les achats d’aliments plus sains. Le choix d’une simple classification à cinq lettres – avec « A » comme meilleur score et « E » comme mauvais score – a été retenu, plutôt qu’un format multicritère, afin de faciliter la compréhension par les consommateurs de la qualité nutritionnelle des produits.

• Proposer des emballages moins nocifs pour l’environnement

Au-delà de repenser les dimensions des emballages, les marketers peuvent aussi faire évoluer les matériaux qui les constituent. Dans ce cadre, deux enjeux sont en général considérés : l’abandon du plastique au profil de matériaux plus durables ; le choix d’un matériau unique pour faciliter le recyclage.

Pour illustrer le premier, la coopérative Savéol propose des barquettes de tomates et de fraises en carton ajouré afin d’assurer la fonction de visibilité des produits rendue précédemment possible par la transparence du plastique. La marque de papier toilette Le Trèfle remplace le film en polyéthylène autour de ses rouleaux par du papier kraft, supprimant ainsi 600 tonnes de plastique par an. Quant à la marque Carte d’or, elle propose maintenant ses glaces dans un bac en carton enduit imperméable.

La question de l’empreinte écologique des différents matériaux doit évidemment être envisagée de manière globale afin de retenir une solution la moins nocive possible sur l’ensemble du cycle de vie.

Les marketers peuvent également envisager les emballages rechargeables, autre format plus responsable plébiscité depuis quelques années. Initialement utilisées en hygiène-beauté (e.g., recharge de savons) puis au rayon épicerie (e.g., café, sucre), les recharges s’étendent désormais à de nouvelles catégories pour réduire la quantité de matériaux d’emballage utilisée.

Il est aussi intéressant de réfléchir à la conception d’emballages réutilisables. Les marques incitent ainsi de plus en plus les consommateurs à donner une seconde vie à leurs contenants.

C’est par exemple le cas de Fleury Michon avec sa « Salad’Jar » qui peut servir de tirelire ou de boîte de rangement, ou de la marque Le Gaulois avec sa boîte d’œufs « EggyPlay » dont la forme permet de réaliser des constructions ludiques.Les acteurs de la filière des emballages, à l’image par exemple de DS Smith , intègrent donc aujourd’hui l’économie circulaire dans leurs business models afin de proposer des emballages durables.

Envisager la suppression du conditionnement du produit

• Supprimer les suremballages

Enfin, dans certaines situations, il peut également être opportun de supprimer certains emballages inutiles, comme les suremballages par exemple. Les suremballages désignent des emballages conçus pour entourer les produits sans qu’il n’y ait de regroupement d’unités primaires et qui visent à assurer des fonctions de protection ou d’attraction. A partir du moment où ces fonctions peuvent être assurées autrement, il est possible d’envisager de supprimer ce suremballage, symbole pour certains des excès de la société de consommation et générateur de déchets inutiles. Certaines marques ont ainsi développé des innovations pour assurer autrement les fonctions de cet emballage particulier. Pour supprimer le carton autour des yaourts Activita vendus par quatre, Danone a amélioré la résistance des emballages primaires en ajoutant des bulles d’air au fond des pots. Pour se passer du film plastique autour de son pack Prestige de quatre bouteilles, evian a imaginé une technologie qui assemble les bouteilles par des points de colle. Quant à la marque Solero, elle propose maintenant ses bâtonnets dans une nouvelle boîte avec des compartiments pour que les glaces, insérées sans emballage plastique, ne se touchent pas. La législation évolue en faveur de la réduction de ces suremballages inutiles, comme en témoigne le récent décret qui interdit, à compter du 1er janvier 2022, les emballages plastiques pour les colis de moins d’1,5 kilogrammes de fruits et légumes, même si des exemptions plus longues seront accordées pour certains d’entre eux. Lorsqu’ils envisagent un suremballage, les fabricants doivent systématiquement se poser la question de son utilité ou réfléchir à des solutions innovantes pour le remplacer.

• Proposer une offre de produits en vrac

La question de la suppression des emballages à la source est également au cœur de l’essor de la vente en vrac, qui reconnaît un regain d’intérêt ces dernières années, en réponse aux difficultés économiques des consommateurs mais surtout à leur sensibilité environnementale croissante. Le vrac, qui a récemment fait son entrée dans la réglementation française, désigne la vente au consommateur de produits présentés sans emballage, en quantité choisie par le consommateur, dans des contenants ré-employables ou réutilisables. Les enseignes spécialisées dans les produits biologiques, comme Biocoop, ont fait office de pionniers dans ce domaine avec une offre initiale de produits secs (e.g., pâtes, riz, légumineuses), qui s’est ensuite étendue à d’autres catégories de produit (e.g., huiles, lessives, vin). L’émergence du vrac s’est faite au côté des enseignes de distribution traditionnelle, comme Auchan et son rayon de self-discount qui proposait, dès 2005, des produits de base en vrac à très bas prix. Par la suite, des enseignes spécialisées ont vu le jour, comme DaybyDay, qui propose à ses clients d’acheter quotidiennement ce dont ils ont besoin afin d’éviter le gaspillage, ou Mamie Mesure, qui valorise une démarche locale, bio et made in France. La consommation de produits en vrac conduit à transférer la responsabilité de leur emballage aux distributeurs (via la mise à disposition des produits dans des silos ou des bacs) et aux consommateurs (via l’utilisation de sachets ou bocaux pour le service et le transport). Les clients ont la possibilité d’apporter en magasins leurs propres contenants, en plus de leurs sacs de courses qu’ils ont pris l’habitude d’apporter depuis la suppression des sacs plastiques offerts en caisse. Les marques doivent aujourd’hui penser leur offre de produits en intégrant ce nouveau mode de consommation et en envisageant, quand cela s’y prête, de proposer certaines de leurs références en vrac. Dans ce cadre, il est évidemment nécessaire de prendre en considération l’impact global de ce nouveau mode de distribution puisque l’emballage ne disparaît pas complètement mais intervient à d’autres étapes du cycle de vie.

Références

  • Murphy P.E. (2017) Recherche en éthique du marketing : thèmes récurrents et émergents, Recherche et Applications en Marketing, 32(3) 90-96
  • La norme ISO 14040 spécifie les principes et le cadre applicables à la réalisation d’analyses du cycle de vie, la norme ISO 14044 spécifie les exigences et fournit les lignes directrices pour leur réalisation.
  • https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a-laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv
  • https://www.lsa-conso.fr/le-secteur-de-l-ultrafrais-travaille-sur-le-recyclage-de-ses-emballages,383733
  • https://www.lsa-conso.fr/dossier-les-brsa-lancent-la-chasse-au-plastique,346564
  • https://www.lsa-conso.fr/produits-engages-2021,389248
  • https://reussir-avec-un-marketing-responsable.org/file/84
  • https://becauseturtleseatplasticbags.com/tag/frustration-free-packaging/
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